ENSEMBLE est un projet qui me tient à coeur et qui est né d’une observation et d’une constatation. Nous aimons « nous raconter » et nous aimons savoir « comment font les autres ».

L’idée est de pouvoir utiliser mon blog pour vous partager certaines expériences de vie qui ont retenues mon attention. Cela permettra peut-être à certains lecteurs ou lectrices de s’exprimer sur des sujets qui leurs tiennent à coeur, et à d’autres de les booster, de les rassurer, ou simplement de les informer. Je vous invite par la suite de venir échanger à ce sujet sur mon compte instagram

J’ai demandé à une personne de mon entourage d’écrire un témoignage sur un évènement fort de sa vie. Je savais que cela serait fort et pertinent. Cependant, je ne m’attendais pas à autant d’émotions. Pendant toute la lecture, j’étais comme absorbée et happée par le récit d’Elodie. J’ai pleuré et ri. Elle a cette faculté à mettre des mots sur des situations, des émotions et des ressentis. Ce partage est fort, et je suis très heureuse de vous le partager ici. J’en profite pour la remercier de sa confiance et du temps qu’elle m’a accordée.

Belle lecture à tous.

 

 

 

31/07/17 – 31/07/18

 

2 semaines – Bah tu vois j’étais comme toi. Vivante, en plus bavarde disons. Tu as mis exactement 30 ans à te manifester petit malin. Après avoir usurpé l’identité de migraines, hypoglycémie et surmenage, ils t’ont finalement identifié après quelques malaises plutôt balaises.

2 heures – Tu sais le genre de malaise que tu fais en pleine fête de Bayonne (comprends plus d’un million de personnes), lorsque les pompiers se déplacent uniquement sur gage de risque vital, et où le personnel urgentiste est plutôt zen et disponible pour toi. Tant qu’à faire, autant apprendre ton existence dans une ambiance folklorique, ça met du baume au cœur. Cœur qui bat d’ailleurs, je ne sentais que toi lorsque tu as décidé de court-circuiter ma tour de contrôle corporelle. Tu m’as laissée paralysée seule avec mon cœur qui bat durant deux longues heures d’attente au beau milieu des noyés bayonnais. J’ai bien cru que j’allais crever, dans cette douce clinique privée. Heureusement, tu m’as redonné le droit de bouger 2h plus tard, non sans traces de fatigue. Épuisée.

15 minutes – Après avoir prêté mon corps et mon sang aux machines hospitalières pour une enquête de terrain, le bilan se fait attendre. Un peu de la même façon dont une ado cogite en attendant ses résultats de son bac. Qui es-tu et où te caches-tu ? C’est long 15 minutes quand la technicienne manip-scanner meuble tes questions par des – il y a quelque chose de bizarre – dans votre parenchyme – Le médecin viendra vous voir d’ici 15 minutes. Personne ne m’a jamais parlé de parenchyme, mis à part mon prof de biologie végétale en Licence 2. Bizarre.

15 secondes – Le médecin rentre dans la chambre, muni du scanner. A-t-il réfléchi à son approche de communication non violente des résultats ? Non. Violent. Madame, vous avez une lésion au cerveau – Sans détour. Parenchyme, lésion, mais dites-moi donc, c’est quoi ce que j’ai concrètement ? Tu te doutes bien qu’à ce moment-là, mon cerveau percute à ta rencontre. J’y crois encore, pas possible, pas moi, la petite toujours en forme, on m’aura pas. Une lésion ? J’ai le crâne cassé que j’insiste ? Non madame, vous avez une tumeur au cerveau. Bonjour pruneau.

 

5 minutes – Là c’est la partie la moins drôle. Mais quand même un peu. Black-out du cerveau, crise d’angoisse. C’est l’instinct de survie post-traumatique qu’ils disent. Allo coucou les parents j’ai une petite info à vous communiquer. Je découvre l’effet adoucissant de mon premier anxiolytique à vie, et c’est plutôt chouette. J’ai l’impression d’être dans un rêve apaisant affrontant une sorte d’aventure et de défi à relever, et où je vais bien m’en sortir, comme d’hab. Je sais que j’ai une tumeur au cerveau depuis moins de 5 minutes, et je plane, positivement, c’est beau les anxio.

1h – On m’offre une haie d’honneur du personnel de la clinique lorsque je suis transférée avec de doux coéquipiers ambulanciers en direction de l’hôpital public, merci. L’un d’entre-eux est un ancien paralysé des jambes et m’informe que le neurochirurgien qui va me suivre – et accessoirement m’ouvrir la tête – fait des miracles. Rassurant. Nous visitons donc ce soir un autre service d’urgence bayonnais où règne, toujours en rouge et blanc, une ambiance alcoolisée, zen et paisible.

2h – Les calmants ont un effet fulgurant. Mes pensées sont claires et plutôt positives malgré le chaos qui s’étend autour de nous. Il est 3h du matin, bien installée dans un box lugubre en attendant d’être mutée dans une chambre 2.0, il me reste de l’énergie pour monter le grand plan d’actions de survie :

  • en premier lieu, je décide de juste vivre le moment présent et ne pas supposer quoi que ce soit tant que le diagnostic n’est pas posé. Pas de stress généré pour rien. On verra bien.
  • Comme je n’ai aucune idée de ce qui m’attend, je décide d’établir un bilan positif de la journée pour tous les soirs qui suivront jusqu’à ce que j’aille bien. A ce moment-là je crois que j’ai vanté les bienfaits des anxiolytiques, remercier mon corps d’avoir tenu le coup  sans trop de dégâts, et surtout de ne pas m’avoir paralysé, rendue aveugle ou d’avoir déclenché tout autre beug physico-psychologique sans billet retour.
  • Je créée un groupe Facebook pour informer les copains et la famille de l’arrivée du pruneau, et surtout pour solliciter leurs belles énergies positives. Qu’à cela ne tienne, j’ai même eu le droit à des soins reiki en direct du Népal ! Ce groupe est une bouffée d’énergie quotidienne pour la suite des évènements. Le vortex de l’amour. Merci à vous tous.

 

Il est 6h du matin. Je m’endors paisiblement au 3322, chambre de la vie avec mon pruneau au cerveau.

1 semaine – Le neurochirurgien confirme la présence d’une tumeur intracrânienne de la superficie supposée d’un pruneau, m’expose l’ensemble des détails minutieux et risques de l’opération afin de l’extraire, les issues cancéreuses ou non. Beaucoup d’informations. J’ai 7 jours pour rentrer chez moi avant la fine partie de cuisine écervelée. Me préparer, me reposer, vivre. Oui, à ce moment-là, même en étant la plus positive du monde, tu te dis quand même qu’il s’agit peut-être de te derniers jours. Alors s’enchaine une semaine de préparation physique et psychologique digne du semi-marathon couru quelques mois auparavant. YouTube regorge de bonnes idées que je vais m’approprier au quotidien. Méditation anti-douleur, auto-hypnose de guérison et préparation du corps physique pour l’opération et la cicatrisation. Lâcher prise. Je découvre enfin le sens de ce mot si tendance dans la sphère du développement personnel. Se laisser chouchouter par ses proches, manger sainement. Aller à la plage. Dormir. Lire. Accueillir ses peurs, la mort, sans jamais les visualiser comme issue de sortie. Rester positif et serein en se disant que tout va bien se passer. Tout va bien se passer.

 

Dimanche 6 août 2017 – Entrée en trombe à l’hôpital après avoir mangé 58 langoustines vendéennes et mis une raclée familiale au scrabble. Petit reiki familial orchestré par le grand sage-père qui me fait réaliser à quel point je dois me battre pour moi et pour eux. Affronter ce petit découpage de boite crânienne en toute sérénité.

 

Lundi 7 août 2017 – C’est le grand jour ! Je m’habille et me lave pour l’évènement. Shampoing fruité à la bétadine, bas de contention soyeux, blouse blanche étincelante. Comme dans les films, lancée sur mon brancard qui m’emmène au bloc au sous-sol, je fais un dernier signe de la main à mon copain, en le regardant jusqu’à ce que la porte battante ne batte plus. Toujours sereine, presque excitée. Le neurochirurgien est en pleine forme. Moi aussi, quelle équipe ! Il a 4h pour m’enlever ce pruneau sans séquelles. Il est 7h59 au cadran de la salle d’opération. La plupart des gens se lèvent. Moi je repars au pays des rêves, celui qui rêve de se réveiller. Top départ.

13h30, réveil en salle de réveil. AÏE. Je suis branchée avec un nombre de sondes inimaginables. Le plus important, le premier réflexe : le test des 5 sens. Je bouge mes orteils, mes doigts, j’essaie de parler, je vois. Je suis en vie. Je suis surtout dans le brouillard avec un beau couvre-chef. J’ai pleuré. De joie. Ou de douleur. Le sourire de l’infirmière qui reste sans voix en voyant ma masse de cheveux qui a été épargnée par le rasoir me rassure et je me dis que dans 15 jours je serais sur pieds.

 

16h, La joie d’annoncer à ses proches que tout s’est bien passé. La joie d’avoir une probabilité supérieure à 99% que le pruneau soit bénin et surtout bien parti de ma cervelle. D’ailleurs, une fois évacué, le pruneau minimisé s’avérait de taille superflue. Pas grave, une balle de golf c’est moins fun qu’un pruneau. Ce tiraillement entre joie d’être en vie et la morphine qui ne fait pas effet sur la douleur s’avère un calvaire. Les jours qui suivront seront difficiles mais je suis bien entourée. Ma mère infiltre des quantités dingues de gâteau basque, pastèque et melon pour m’hydrater. Une merveille.

 

15 jours plus tard – Y’a plus de pruneau, mais je ne suis pas sur pieds comme objectivé. Je me suis tellement focalisée sur l’instant présent que je n’avais pas pensé que la période de rémission s’éterniserait. Avec un nouveau morceau de crâne en résine shapé sur mesure, mon corps doit se réapproprier tous ses gestes. Alors je réapprends à marcher, à dormir, à parler, à me RE-PO-SER. J’essaie d’être forte quand les amis et la famille viennent pour leur visite de courtoisie, faire comme si rien n’avait changé. Je tombe souvent après.

 

4 mois plus tard – J’oscille entre maux de tête, forme et fatigue. Je développe un certain art de la patience. Apprendre à s’écouter, prendre du temps pour soi. C’est la première fois où j’ai le temps de créer, lire, tricoter et même ne rien faire. Juste contempler. Des hauts, des bas, des hauts, des bas, il faut s’accrocher, toujours. Je teste tout ce qui peut pulser mon énergie : les chamanes, le reiki, la sophrologie, les gourous les énergéticiens. Faites-moi partir ces foutus maux de tête et injectez moi de l’énergie SVP !! Bon ils m’ont eu, j’ai découvert plein de trucs sur moi et bien au-delà des douleurs physiques. Un éveil de conscience. Tant qu’à changer de crâne, autant se délester également des blessures personnelles inconscientes, histoire d’être raccord.

 

1 an plus tard – je suis une nouvelle moi. J’ai retrouvé toute mon énergie. J’ai remis la main sur de vielles radiographies qui montraient que le pruneau était là depuis ma naissance. Tu as mis exactement 30 ans à te manifester petit malin. C’était le bon moment. Cette aventure c’est un changement de regard sur absolument tout. Le pardon, la bienveillance, la gratitude. Même s’ils étaient déjà en moi, ils sont devenus des compagnons quotidiens. Revenir aux éléments simples qui composent notre vie. L’échec n’existe plus, tout est désormais possible. Chaque expérience de vie bonne ou mauvaise nous apporte tellement, nous fait grandir et nous pousse à devenir une version améliorée de nous-même. Ce qui compte désormais c’est maintenant. Là tout de suite, où finalement tout est parfait comme cela à cet instant T.

 

 

 

Si vous souhaitez vous aussi partager votre expérience, votre vécu avec vos mots, votre personnalité je vous invite à m’envoyer un mail à l’adresse suivante: mathilde.depaulis@gmail.com.