J’observe avec fascination les va et vient d’un oiseau dans le jardin…A cet instant qu’y a-t-il d’autre à faire que d’apprendre à surfer sur ce temps ?  Attentive je m’interroge sur cette nouvelle manière que nous avons d’appréhender le temps et la vie. Elle est aussi intéressante que déroutante. Comment acquérir toute la souplesse pour épouser ces vagues d’incertitudes, de doutes et de changements…

A l’heure où je vous écris, nous sommes au 40e jour de confinement officiel.

Le mardi 24 mars, «plus de 3,38 milliards de personnes […] sont appelées ou astreintes par leurs autorités à rester confinées chez elles». (Source AFP). 

Nous sommes donc très nombreux à être confinés, et pourtant nous ne sommes pas égaux face à celui-ci. Cela n’est sûrement pas la même chose d’être confiné en Inde qu’en France. Et en France, une famille de 4 vivant dans un 30m2 à Paris, sans extérieur ne le vit pas de la même manière qu’un couple, en maison, à la campagne. 

De plus, certains travaillent et d’autres sont au chômage partiel, ou licencié etc … 

Il y a du bon et moins bon dans chacune des situations et il y a tant de manières différentes de les aborder, les ressentir et de les vivre…

 

Source: La Ville et Les Nuages

Rien de plus étrange que ce qui nous arrive en ce moment. Nous avons tous été embarqués dans une aventure avec nous-même et avec les autres. Nous n’avons pas de référence et tout est de l’ordre de l’inconnu. Nous sommes pris dans un flow, un temps inédit où je vis comme vous les différentes étapes de cette période. Je m’interroge aussi en tant que psychologue sur les effets de tout ce que nous vivons sur notre mental, nos émotions et nos comportements. Comment intégrons-nous notre propre réalité dans cet environnement complexe et changeant ? 

LES ETAPES

Depuis l’annonce du confinement j’ai pu observer plusieurs phases qui représentent les différents stades par lesquels nous sommes certainement un peu tous passés.

Phase 1 : L’intégration « Quand tu vois arriver la vague »

C’est un peu la phase où tu vois la série arriver au loin et où il va falloir prendre conscience pour mieux (ré)agir face à ce qui est annoncé / ce qui se passe 😊. Ce qui est intéressant à observer lors de cette étape, c’est que chacun de nous a son propre rythme pour intégrer les événements et les ancrer dans sa réalité.

Phase 2 : La Survie « Quand tu prends la vague »

Cette étape est directement en lien avec notre cerveau reptilien qui nous permet de trouver les ressources en nous et les solutions pour nous adapter à la situation. Nous avons ainsi tous réagi pour adopter le nouveau mode de vie qui nous a été demandé au profit de l’intérêt collectif.

Phase 3 : La Force Créatrice « Quand tu apprends à surfer la vague »

S’en suit une forme d’euphorie créative et de productivité qui traduit les pouvoirs hallucinants que nous avons à nous adapter aux situations (même les plus improbables). C’est typiquement ce que nous ont raconté les réseaux sociaux avec le nombre de publications qui a largement augmenté, les propositions de live, de cours, de défis, etc.

L’imaginaire et la créativité explosent avec des vidéos drôles, des nouveaux comptes qui voient le jour… Un temps pour PRODUIRE, voire même SURPRODUIRE ! On ne se voyait plus et pourtant nous n’avons jamais autant échangé… des appels, des messages, des visio, des apéro zoom, … Nous étions seuls et pourtant les autres étaient omniprésents virtuellement.

Cette phase est la réponse à comment pouvons-nous faire face à cette situation ? Comment transformer ce temps et cette nouvelle configuration ? C’est ici, ni plus ni moins qu’une forme de résistance qui nous maintient dans l’action pour éviter de trop plonger dans la réflexion.

Phase 4 : Appartenance / Sécurité : « Quand tu surfes ta vague »

Dans cette phase les choses redeviennent d’une certaine manière normale. Nous apprenons à gérer notre temps, et dans cette étape né une habitude, avec plus ou moins une certaine forme de confort. Il y a, à ce moment-là, une forme de lâcher prise et nous baissons nos défenses. Nous prenons un peu de distance avec les informations anxiogènes et nous nous recentrons sur nous. C’est dans cette phase que nous allons davantage vers l’essentiel et que nous nous offrons plus d’espace en soi : nous trions nos placards, nous faisons du vide, nous assainissons, nous réaménageons tant autour de soi qu’intérieurement (la magie du rangement), nous explorons des passions et de nouvelles activités, nous nous concentrons sur l’essentiel pour soi et pour les autres, nous nous entraidons, nous nous écoutons et nous écoutons…Nous apprécions la glisse de ce temps long 😊

Phase 5 : Ras le bol ! Trop, trop, trop, le trop plein d’émotions ! : « la vague de submersion »

Après l’annonce d’Emmanuel Macron, le lundi 13 avril, j’ai pu ressentir à titre personnel, mais aussi dans mon entourage et chez mes patients une plus grande anxiété, une fatigue, des douleurs physiques, une tristesse, une colère.

L’annonce du prolongement du confinement est un peu comme un catalyseur d’émotions. Les émotions sont exacerbées pendant ce confinement et nous vivons tout de manière plus intense.  

Si les émotions sont à vif, il est aussi important de comprendre que c’est normal. Nous n’avons pas forcément toutes les activités compensatoires qui nous permettent de les évacuer : le sport, la vie sociale, le lien avec la nature, le travail, …

Certains vont se servir de leurs émotions pour mener l’enquête et faire un travail d’introspection. Pour d’autres personnes ces émotions sont trop envahissantes. 

Dans certains cas les effets psychiques du confinement réveillent et révèlent des addictions ou des comportement graves qui sont alors tout autant des priorités sanitaires.

Cela donne notamment lieu à l’augmentation des violences conjugales : « une semaine après le début du confinement, les violences conjugales ont bondi de 32% en France. » (source : LCI). 

Ainsi qu’à l’augmentation des violences sur les enfants : « le nombre appels d’urgence est en hausse de 20% depuis le confinement ». (source: L’express). 

Mais alors nous faisons quoi avec tout ça … ?

Quelles que soient les étapes, les émotions, les comportements par lesquelles nous sommes passés comment pouvons-nous AUJOURD’HUI les transformer ? 

Et si nous prenions quelques nouvelles de nous 😊 !

ACCUEILLIR NOS VULNERABILITES

Être Psy pendant le confinement 

Depuis le début du confinement, j’ai continué les consultations par skype ou par téléphone. J’avoue qu’au tout début j’ai ressenti une forme d’appréhension à l’idée de découvrir comment mes patients vivaient cette situation si particulière. 

Mes patients ces héros

J’ai été si agréablement surprise par eux, de voir qu’ils avaient cette capacité à y faire face et à voir le bon côté des choses. 

Ce confinement nous apporte à la plupart une obligation d’introspection : nous sommes obligés de passer du temps chez soi (ce qui n’est pas dans l’habitude de tous). Ce que j’ai pu remarquer, c’est que les personnes capables d’introspection ont pu utiliser leurs outils, leurs ressources. 

Howard Gardner, psychologue américain est le père de la théorie des intelligences multiples. Je vous partage dans les liens de cette chronique un article très pertinent sur ce sujet. 

Apprendre à se servir de son sac à dos 😊

Nous sommes tous intelligents, mais nous avons des formes d’intelligences plus ou moins développées en fonction de leur nature (8 types d’intelligences identifiées). L’introspection se retrouve dans l’intelligence intrapersonnelle. C’est cette capacité à faire un travail sur soi, à identifier ses émotions, à analyser et à se remettre en question. 

 

Source: Céline Cidère

Les personnes dotées d’une importante intelligence intrapersonnelle innée ou qui l’ont développée grâce à un travail thérapeutique ou grâce à un travail sur eux-même ont comme un sac à dos avec des outils dedans. Ces personnes vont donc avoir plus de facilités à faire face à des situations inhabituelles ou compliquées. 

Au contraire, les personnes qui n’ont pas naturellement cette capacité d’introspection ont un tout petit sac à dos et surtout peu d’outils. Elles se sentent comme désarmées face à cette situation. 

Mon travail en tant que psychologue est d’aider à développer cette intelligence intrapersonnelle et de prendre conscience que nous avons tous un sac à dos, à apprendre à se servir des outils que nous avons déjà tous à l’intérieur puis à en développer des nouveaux.

Maintenir l’équilibre / Le confinement et la zone de confort  

Confinement & Agoraphobie

J’ai pu observer que le confinement pouvait apporter un grand bien être à certaines personnes. Pourquoi ? 

Car cela active leur zone de confort. Il y a quelques mois je vous ai parlé de l’agoraphobie (la peur de ne pouvoir s’échapper d’un endroit). Cela peut se traduire par exemple, par la peur de s’éloigner de sa maison à l’idée de faire une crise d’angoisse, un malaise et de ne pouvoir être secourue. Ces personnes se retrouvent alors en zone de confort pendant le confinement. Si elles ont la chance de faire le confinement avec leur famille, elles se retrouvent avec les personnes qu’elles aiment, chez eux et pas de prises de risque ! En temps normal ils sont sujets à de nombreux scénarios catastrophes. Je m’interroge aujourd’hui sur la manière dont le déconfinement va être appréhendé par ces personnes après 2 mois où elles n’étaient pas exposées (ou très peu) à leur peur. 

Confinement & Toc

J’ai de nombreux patients ayant des TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif) de contaminations. Avant le confinement, quand nous avons commencé à entendre parler du coronavirus et que je questionnais ces patients, ils arrivaient très facilement à se rassurer et aujourd’hui ils vivent plutôt bien leur confinement. Ils sont en zone de confort. Ils peuvent observer que leurs gestes habituels sont parfois recommandés par le gouvernement ! 

Il est intéressant de voir comment ils vont vivre leur déconfinement.

Autre question, est-ce que le fait d’avoir à réaliser certains gestes que nous n’avions jamais fait auparavant, comme désinfecter ses courses avant de les ranger, et ce climat anxiogène ne va pas activer de nouveaux TOC de contaminations ? 

ET MAINTENANT ?

« Et maintenant que vais-je faire? »  comme dit la chanson !

Du manque de contrôle à l’acceptation

Depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, il y a une grande inquiétude car nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas contrôler et difficilement nous projeter sur le déconfinement. 

Nous sommes entraînés dans notre culture à contrôler : notre emploie du temps, nos envies, nos désirs. Avec nos agendas bien chargés, l’inconnu n’a pas beaucoup de place. Nous n’y sommes donc, pour la plupart, pas habitués. 

Le plus important à comprendre ici, c’est que nous n’avons pas le pouvoir d’agir sur les faits et d’en savoir davantage aujourd’hui… En revanche nous avons le pouvoir d’agir sur nous même !

Alors come with me 😊

De l’incertitude à l’opportunité

Face à cet inconnu sur le « comment va se passer le déconfinement ». Je trouve que cela est une véritable opportunité et un formidable outil de travail sur soi.

Garder une trace pour soi

Nous vivons un moment historique individuellement et collectivement. Prendre des notes sur les faits pendant et après pour garder une trace ou écrire ce que nous ressentons et livrer à l’écrit toutes ses émotions peut vous apporter de grands bénéfices. 

Donner du poids aux choses positives !

Step by Step : 

First Step : Identifier ses peurs.

L’angoisse est une peur sans objet. Si nous prenons le temps de nous projeter et d’identifier clairement de quoi j’ai peur cela va vous rendre actif par rapport à la situation. Ensuite, de venir vous rassurer par rapport à ces peurs. 

Second Step: Accepter ce non-contrôle ! 

Facile à dire me direz-vous ! Oui ! 

L’idée est de se répéter que « Oui, je ne peux pas tout contrôler ». Se poser la question, au présent, est-ce que je suis en bonne santé ? Les personnes que j’aime aussi ? Est-ce que j’ai à manger dans mon frigo ? C’est la base, c’est l’essentiel. Ensuite, de vous poser la question si aujourd’hui, vous pouvez faire quelque chose pour mieux préparer le futur ? 

Contacter mon école pour avoir plus d’informations, regarder le site du gouvernement, contacter mon employeur, etc… 

Ne cherchez pas à contrôler, ce que vous ne pouvez pas ! 

3e étape : un autre regard ! 

Il est intéressant d’observer que face à la même situation, nous pouvons l’observer de manières bien différentes ! 

Prenons les deux extrêmes : 

« C’est un complot. C’est la fin du monde ! »  VERSUS « C’est une expérience de vie qui nous permet d’accueillir des transformations importantes ! »

Personnellement, je choisis de vivre les choses du bon côté et notamment la manière d’appréhender ce déconfinement. De rester lucide de la situation tout en apportant du positif, de la légèreté et de l’audace. Je décide de croire en l’humain 😃 Je prends conscience avec un autre regard que nous pouvons toujours tout voir d’une autre manière et je détermine celle qui me convient. Je ne me laisse pas atteindre par les visions qui ne me conviennent pas et dans une discussion je diffuse mon optimisme. 😊

A VOUS de trouver la nuance qui vous convient. Vous êtes LIBRE de choisir avec quelle paire de lunettes vous préférez observer le monde 😉 

Alors, dis-moi quelle paire de lunettes choisis-tu ?

Références :


Cet article a été rédigé par Mathilde Depaulis avec la collaboration d’Alexia Lamouret.

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